Jean-Claude Bertrand : un retour aux sources

Derniere interview de Jean-Claude (30/09/2005)

Près de Nîmes, dans la maison gardoise de la famille Bertrand, fréquentée l’été - les “longs hivers“ de Jean-Claude et son épouse Claudie se déclinent plus particulièrement en Côte d’Ivoire - leur villa est une invitation au voyage.

Objets divers et variés qui ont une belle âme africaine, et dont on mesure le poids de la découverte et la vigueur de la mémoire.

Et aux murs des photos. Des tranches de vie dorées et aventureuses joliment rôties par des soleils planétaires.

Avec Jean-Claude à Nouhadibou 1999

Là, une curieuse CX transformée en pick-up à 8 roues sur lequel est amarré un hélicoptère du type Alouette. « Avec ce curieux attelage, depuis Paris j’ai rallié le Hoggar, lorsque j’ai organisé pendant 8 ans le rallye d’Algérie. L’heure de la route de la CX était moins coûteuse que l’heure de vol de l’hélico… ». On devine la stupéfaction sur le passage de l’étrange fusion orgasmique d’un coléoptère avec une fourmi à huit pattes.

Là un immense bahut lors des reconnaissances du Rallye du Sinaï. « À quelques jours du départ, cette épreuve fut annulée, à cause d’une heureuse nouvelle pour le monde. Un journal Israélien, avec ma photo à la une avait titré “la première victime des accords de Camp David“ ».

Là, une bagnole (mais de quelle marque est-elle cette hybride hérissée de jerricans ?) repeinte aux couleurs sables, ressemblant à s’y méprendre à un véhicule de l’Afrika Korps. « Des images d’un passage lors du premier Côte-Côte ».

 

Là, une bagnole (mais de quelle marque est-elle cette hybride hérissée de jerricans ?) repeinte aux couleurs sables, ressemblant à s’y méprendre à un véhicule de l’Afrika Korps. « Des images d’un passage lors du premier Côte-Côte ».

Ici et là, partout dans cette maison respire la vie aventureuse. Dans l’intensité d’une existence si peu banale, tout est souvenirs. Pour Jean-Claude Bertrand, conteur de l’extrême, professoral et théâtral, sans emphase, dans sa façon d’être à la fois un livre d’histoire et une carte de géographie. Doublé d’un expert en sciences économico-politiques.

Des souvenirs ? Comme un livre bien aimé. Qu’on lit sans cesse. Et qui n’est jamais refermé. Un livre où l’on lit mieux sa vie. Et qui vous hante d’un rêve nostalgique. Où l’âme se tourmente.

Vous savez qu’il est à la page. Alors, il était temps pour lui d’écrire un nouveau chapitre, lui qui était rangé… des voitures depuis tant et tant d’années.

Le prophète d’il y a plus de 40 ans lors de l’organisation en 1968 du premier rallye du Bandama, des fameux Côte d’Ivoire-Côte d’Azur, et autres épreuves en Algérie, voire, curieusement en Islande, qui fut également Président de la Fédération du Sport Automobile du… Panama, est de retour.

Prophète ? Il a la conscience intime de ce qu’il est, doit, et ne peut pas ne pas être. « Pas question d’organiser un rallye de vitesse. Je ne pourrais plus ramasser des motards en pièces détachées. Ni, entres autres drames vécus, depuis un ravin au Maroc, remonter sur mes épaules, le corps sans vie de mon ami Jean-François Piot ».

Le format du futur Côte-Côte Historique « avec des voitures de plus de 20 ans d’âge, s’exprimant sur une quinzaine de jours, avec le chronomètre dans des zones de régularité » est là pour le séduire.

70 ans passés au compteur de la vie, et des millions de kilomètres au compteur de bagnoles, il a cette phrase définitive quand il enfourche fraîcheur et exaltation pour éructer ce cri du cœur « Se faire plaisir est notre slogan commun avec tous mes copains dans une histoire devenue commune».

Bien décidé à se hâter lentement « Je vais prendre le temps, pour prendre mon pied à l’organiser et à le réaliser ce Côte-Côte Historique ». 18 mois avant d’être au top départ, voilà qui donne une grosse marge de réflexion.

La genèse de l’histoire s’est faite lors d’apéritifs stratégiques, ici et là, en grignotant le bon temps qui est passé, et en sirotant celui qui est à venir. Là et ailleurs auprès de sa piscine dans sa propriété Ivoirienne « Les glaçons du pastis n’avaient pas le temps de fondre, qu’on remettait sa tournée aux souvenirs ».

Auprès de Patrick Tambay et Christian Dervieux et consorts, fallait-il mettre en marche la machine à remonter le temps, et booster les énergies nouvelles d’un futur recyclable en sensations en tous genres. « pour des émotions garanties, je vous le certifie ».

Lors d’une tournée de promotion auprès de médias parisiens, Jean-Claude Bertrand a été confondu par les demandes de journalistes s’inquiétant du contenu du futur Côte-Côte Historique à l’horizon printemps 2007, lui indiquant que d’autres figures historiques des rallyes-raids allaient “donner“ dans l’histo… À savoir Hubert Auriol, Patrick Zaniroli, “Fenouil“. « Je ne sais pas ce qu’ils proposent, je sais, moi, que ce que nous allons leur offrir : une épreuve taillée sur mesure sur le plaisir partagé », explique le marchand de sable qui n’a pas fait rêver que des petits-enfants.

Bluffé aussi le routard de l’extrême, par les souvenirs qui se ramassent à l’appel du désert, et les regrets aussi. Et la personnalité qu’il continue d’être, 30 ans plus tard. Le sentiment confus pour quelqu’un qui ne se prend pas pour le nombril du monde, sinon un génial inventeur avec son sac à malices, d’avoir été un pionnier dans l’Aventure avec un grand A. D’aucuns, tel le regretté Thierry Sabine (que Jean-Claude Bertrand avait sauvé de la mort) ne peuvent le contester, parce qu’il est incontestable

Parce qu’il n’a pas vocation à être un archiviste hautement qualifié, s’il a jeté à la poubelle de l’oubli, tous les documents d’époque, il conserve une mémoire sélective sur les uns et les autres, comme des souvenirs en ribambelles « Pas des noms, mais les tronches des mecs, des sourires, des poignées de mains ». Des coups de cœur quoi !.

Il a ce cri qui se pousse du col « j’ai la conviction que partiront avec nous, des gens fatalement sympathiques ».

Qui pourrait en douter ?

Show must go on.

 

 

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